Portraits Kanak Chapitre 2



Assis sous un soleil tapant, Jonas, kanaks de 45 ans raconte avec passion et délicatesse le but de son association. Par ses mouvements expressifs, il explique le fonctionnement de son association dayou biik (souplesse) dont il est le créateur.
L’association a été créée en 2004, il y a onze ans. Elle est composée de plus de 700 adhérents qui viennent de sept tribus différentes dont la tribu de Tendo .Le but de Dayou Biik est de préserver la nature, comme la montagne de Hienghène. D’ailleurs 90% de l’eau de la tribu est fournie par la rivière d’où la remarque de jonas: «Préserver ces lieux c’est se préserver nous même»
Dayou Biik préserve la grande colline de Hienghène en luttant principalement contre les espèces envahissantes qui peuvent être animales, végétales ou humaines. Les membres de cette association sont bénévoles, mais peuvent avoir un travail à côté.
En effet, Jonas qui fait partie des membres d’honneurs fait du bénévolat depuis maintenant trente ans, c’est lui qui a créé l’accueil en tribu. C'est-à-dire le vivre ensemble, la rencontre de nouvelles cultures. Cela permet de donner une autre vision de la vie en tribus mais aussi de montrer la riche biodiversité calédonienne aux personnes extérieures. Afin d’appuyer sur l’importance de la protection de cette biodiversité, Jonas et l’association forment le public dès le premier âge dans les maternelles, les conservatoires, écoles ou autres.
Le créateur de cette association affirme et revendique son opinion politique au  sujet du prochain référendum et soutient fortement l’indépendance de l’île, convaincu que le petit caillou peut être autonome financièrement notamment grâce au nickel mais aussi à son espace marin (1 900 000km marin). Cette idée est à peu près partagée par tous les habitants de la vallée de Hienghène.
Pour terminer sur cette rencontre ensoleillée Jonas a confié une mission, celle de transmettre ses paroles à toutes les personnes qui entendront parler de notre périple en Nouvelle Calédonie, afin de sensibiliser a la biodiversité et à ses menaces.

 Ecrit par Amine, Axelle et Hayette




Sur la route principale que traverse la tribu de Tendo, cachée par des pins et des cocotiers,  se trouve la petite maison d’Emma et sa sœur Philaminde.  A l’entrée de la maison, Emma ouvre la porte et se dirige vers une longue table.
Emma Boya est une doyenne Kanak née le 13 février 1950, elle est âgée de 65 ans. La doyenne est vêtue d’un habit traditionnel, la robe mission. Son visage est marqué par la fatigue et malgré cela,  elle garde toujours le sourire.
Elle est veuve depuis maintenant deux ans. De cette union est né Jean-Marie, son fils légitime. Jean-Marie est un fils unique de quarante huit ans, marié à une femme de Bacounya, une tribu non loin de celle de Tendo. Grâce à la coutume, Emma a pu adopter Georges qui lui-même a deux enfants, Jessie et Yvane. Emma a perdu un de ces frères l’an dernier, il était gravement malade. Sa tombe se trouve près de la case principale. Son deuxième frère, David est chargé de faire les maisons au sein de la tribu.
Emma est vraiment attachée à sa tribu. Elle y compose des chants religieux, organise des mariages et des fêtes. La doyenne n’est jamais allée à l’école et n’a jamais travaillé autre part que dans sa tribu. D’ailleurs, elle ne la quitte que pour aller à l’hôpital, situé à Nouméa ou pour aller chez sa sœur Léa, à Doumbéa.
La doyenne a vécu de très près les événements de 1988 qui lui a fait très peur, elle n’aime pas la violence. Selon elle, les Kanaks peuvent être dangereux et agir sans réfléchir. Appartenant à la même tribu que Jean Marie Tjibaou, Emma était très émue lorsqu’il est mort, elle dit avoir « perdu un membre de sa famille ».  Depuis cet événement tragique, elle ne s’intéresse plus trop à la politique. Son avis sur le referendum de 2018 : « rester lié à la France, ce serait la meilleure des solutions pour que le pays évolue ».

Ecrit par Hicham et Yanis





Philomène, aussi connue sous le nom de « mémé », est une ancienne de la tribu de Tendo. Elle appartient à la famille Vaiadimoin qui est installée à Hienghène depuis 1800. C’est une femme assez forte. Ses cheveux sont blancs et mal coiffés. Elle semble ne plus avoir la notion du temps, en effet, elle ne connait même plus son âge. Sa sœur, Emma, pense qu’elle a entre 65 et 70 ans. Elle est vêtue d’une robe mission de couleur verte typiquement kanak. La vielle femme confie qu’elle s’est mariée à deux reprises .Son premier mari est décédé et elle est séparée du second. Elle vit dans une maison avec trois veuves, deux jeunes mariés et quatre enfants. Elle est d’ailleurs elle-même mère, elle a adopté une fille nommée Yvette qui a maintenant 47 ans.
Philomène est qualifiée de « grande bosseuse » par les autres femmes de la tribu. Elle participe activement aux taches du groupe comme la préparation de la nourriture, le tressage où elle excelle, mais aussi la culture dans les champs (taro, igname).Tout cela malgré son âge très avancé! C’est une fervente protestante qui se rend à l’église tous les dimanches.
Durant sa jeunesse, Philomène est allée un temps vivre à Nouméa où elle travaillait en tant que femme de ménage. Nouméa est d’ailleurs la seule ville après Hienghène où elle est allée. La doyenne préfère néanmoins vivre à Tendo auprès de sa tribu et se trouve maintenant trop vieille pour voyager.
Elle s’inquiète du fait que les jeunes de la tribu s’intéressent de mois en moins à la vie et à la culture surtout depuis qu’ils ont accès à internet. Elle pense également qu’ils devraient arrêter de trainer dehors et essayer de trouver un emploi car le taux de chômage chez les jeunes en tribu est très élevé.
Concernant le référendum, Philomène préfère ne pas se prononcer mais elle estime que les caldoches ont « aidé » la Nouvelle-Calédonie à se construire et que le seul avenir qu’elle aperçoit pour l’ile est à leurs cotés.


Ecrit par Kady et Brandon



Balo, jeune chien blanc et roux, passe à travers les chemins boueux et étroits de la tribu Kanak de Tendo pour rejoindre la maison de sa maitresse Jildas. C’est une femme de quarante-cinq ans au visage accueillant. Sa robe au dégradé de rose éclaire son teint tout comme son chignon qui dégage son visage. Elle est assise sur un tabouret en bois au milieu de sa cuisine. Elle se repose. Si elle est assise là aujourd’hui et qu’elle vit dans la tribu, c’est parce qu’âgée de vingt ans, elle a dû quitter Boh, sa tribu d’origine qui se situe sur la côte ouest. Elle a rejoint le village de Tendo où se situe la tribu de son mari, Henri, sur la côte est. C’est ainsi que se passe les mariages ici, la femme quitte sa famille pour rejoindre celle de son mari.
D’autres traditions comme celles là doivent être respectées et suivies au sein du groupe. Par exemple, son amie Sandrine Vaidimoin a du donner son troisième enfant à son grand frère qui lui ne pouvait pas avoir d’enfant avec sa femme. S’en est suivi la « coutume d’adoption » qui réunit la famille de la femme et du père d’accueil. Sandrine a fait le choix de donner son enfant. Elle aurait pu refuser. Néanmoins, la plupart du temps, la femme donne son enfant.
Quand Jildas a voulu se marier avec Henri, le père de celui-ci a du faire une demande auprès de sa famille. Lorsque celle-ci a accepté, ils ont pu se marier. Autrefois, les couples étaient formés par les familles contrairement à maintenant. Malgré tout, la demande et l’acceptation des parents restent primordiales. C’est le mélange entre culture traditionnelle et culture moderne.
D’autres formes de modernité ont été apportées au sein de la tribu comme l’électricité, le téléphone, l’ordinateur, la télévision et le wifi. Il y a également l’accueil des touristes qui se fait depuis 1998 suite aux Accords de Nouméa. C’est une source de revenu supplémentaire, tout comme le marché qui se fait chaque vendredi et auquel Jildas participe. Elle y vend les légumes, que durement, elle cultive et récolte dans les champs. Elle n’a pas accès au champ d’igname du chef car seuls les hommes y sont admis. Cependant, ce sont plutôt les femmes qui travaillent dans les champs.
Il existe des inégalités dans la répartition des tâches hommes/femmes. Elles travaillent plus que les hommes, en particulier dans les tâches ménagères. Jildas, tout comme les autres femmes de la tribu, aimerait que cela change mais a la conviction que c’est impossible. Elle souhaiterait que la modernité puisse équilibrer les rôles et que « les fils ne fassent pas comme leurs pères ».
Mais l’époque contemporaine n’apporte pas que des avantages. Elle renferme les gens sur eux-mêmes. Ils restent dans leur maison, les yeux fixés sur leur écran et non la main tendue vers celle du voisin. C’est un danger pour la convivialité et la communication des membres de la tribu. Jildas craint cela. Concernant le référendum, elle pense que l’indépendance pourrait apporter « des choses positives » au pays et plus particulièrement à la tribu, mais elle ne sait pas quels pourraient en être ses avantages.


Ecrit par Souleymane et Lisa
 



Après avoir été à une réunion de l’AFACS (l’association pour la Formation et l’Animation culturelle et Socio-éducative) et déjeuné, Marie s’installe devant la télévision pour se reposer.
Accueillante et bavarde, vêtue d’une robe missionnaire rouge, Marie Vaidimoin, Houaote de son nom kanak, a 45 ans. Cette mère « célibataire endurcie » comme elle le dit,  a deux filles : une de vingt et un an qu’elle a donné à une « tantine » et une de six ans, en CP à Hienghène, avec qui elle vit. Elle vit également avec sa mère et ses deux tantes. Elle est la sœur de Jean-Claude et Stéphanie, et la belle-sœur de Solange, l’institutrice du village.  Née dans la tribu Tendo, Marie a aussi vécu dans la commune de Voh avec ses parents pour trouver du travail. Elle a été du CP au CM1 à l’école de Temala. A partir du CM2, elle a été dans un internat à Ouénou. En 1984, elle arrête l’école en cinquième à cause des tensions qui règnent à Hienghène.
Marie reste une femme très active. Certes sans emploi, elle est très engagée dans la vie de la tribu et en politique. Elle fait beaucoup de choses pour la commune, elle fait partie de l’AFACS qui comprend le CVL (centre vacances et loisirs), de l’association des femmes et de parents d’élèves… Elle est aussi impliquée dans des associations aidant les jeunes et jusqu’en 2001 dans le comité des fête à Hienghène. Elle participe aussi à des répétitions de chants kanaks pour le lundi de Pentecôte, en effet Marie est protestante. Elle gagne sa vie avec l’agriculture en vendant ses récoltes au marché. Elle reçoit aussi une aide du gouvernement étant sans emploi.  C’est avec cette aide qu’elle s’occupe de ses enfants. Le paiement est partagé entre tous les membres de la famille. Il ne lui reste quasiment plus que de quoi acheter du savon, du lait « pour les enfants  et du sel car ils sont de « grands consommateurs de sel ». L’eau n’est  pas un problème dans la vallée de Tendo puisqu’elle coule en continu de la montagne.
Sa fille ainée a eu son bac en 2011, elle a enchaîné avec des études diverses à l’Université de Nouméa. Elle est retournée vivre en tribu car son désir d’étudier au Canada ne s’est pas réalisé.
Au niveau politique, Marie est membre du FLNKS et du PALIKA (partis indépendantistes). En ce qui concerne le référendum de 2018, elle n’est pas contre l’indépendance mais pour elle, il faut construire le pays avec ceux qui sont là, qu’ils soient français, kanaks, caldoches, chinois… Elle a voté « oui » aux Accords de Nouméa en 1998, elle a donc pour elle accompli son devoir de citoyenne.  «Il faut discuter et pas se chamailler ».
Marie a effectué quelques voyages, la plupart grâce à ses engagements et ses activités comme en Australie, avec le collège, en temps qu’accompagnatrice, et dans les îles Loyautés, à Lifou et Ouvéa pour des raisons politiques, puis à Maré et à l’île des Pins pour des raisons personnelles (mariages, baptêmes,…)
« Je préfère rester toute petite au sein de la tribu, je suis une femme comme les autres ». Voilà comment se décrit Marie. Aujourd’hui, elle vit sa vie comme bon lui semble, à l’écoute et en aidant les gens, en essayant de subvenir à ses besoins…

Ecrit par Garance et Louna 




Sous le préau qui protège la cuisine de la pluie diluvienne, Stéphanie, assise sur un pavé au bord du lavabo, nettoie et vide le poisson à l’aide d’un couteau qu’elle manie avec dextérité.  Assez timide, c’est une jeune femme kanaki d’une quarantaine d’année environ car elle ne connait pas son âge exact. Elle est petite de taille et porte une robe mission bleue, vêtement typique des femmes kanak. Elle a les cheveux locksés remontés en queue de cheval. Elle a les yeux brillants et un sourire avenant. Par pudeur, elle souhaite rester dans l’anonymat et ne pas se faire photographier ou filmer.
Comme la tradition coutumière le veut quand une femme se marie avec un homme d’une autre tribu,  elle doit remplacer sa présence. Chez les kanak, l’enfant appartient à l’homme c’est donc lui qui décide s’il souhaite le donner ou non à la tribu de la femme. C’est pourquoi Stéphanie a été adoptée à l’âge de six ans par le cousin de sa mère dans une tribu de la côte ouest. Cela l’a beaucoup attristée, ses parents biologiques lui manquaient. C’est pour cela qu’elle décide de rechercher ses parents biologiques.
A l’âge de dix-huit ans, elle retourne vers sa famille d’origine et s’installe auprès d’elle à Tendo. Elle ne poursuit pas ses études et devient agricultrice dans la tribu, elle fait également la cuisine et s’occupe de sa maison. Stéphanie vit seule dans une case, elle n’est pas mariée et n’a pas d’enfant. Elle aime sa tribu et y a d’ailleurs toujours vécu.
Elle a pu observer l’arrivée de la modernité au sein de son clan comme par exemple internet qu’elle estime nécessaire car « Il faut suivre le mouvement et ne pas être déconnecté du monde ». Mais selon elle, le fait que sa tribu se modernise entraîne une perte des traditions : «  Les jeunes deviennent fainéants et vont de moins en moins aux champs ». C’est pour ces raisons qu’elle avoue préférer le temps des anciens. 
Sur la question de l’indépendance, elle pense que c’est un sujet sur lequel  il faut réfléchir mais dit être attachée à la politique de l’ancien leader Jean Marie Tjibaou. Elle reste tout de même sans commentaire face au référendum qui aura lieu en 2018.


Ecrit par Jasmeen et Amina




C’est sur un chemin boueux où se mélangent eau de pluie et terre détrempée, qu’une jeune femme apparait. Cette femme au sourire éblouissant se nomme Pamela Moueaou, Dila en Kanak. Elle est de petite taille, légèrement enrobée, vêtue d’une robe traditionnelle. Elle est âgée de 31 ans et est mariée depuis un an avec un chauffeur poids lourd. Elle vit aussi avec sa fille de quatre ans puis son garçon de six ans. Avant d’avoir ses enfants, Pamela travaillait dans un établissement scolaire en tant que cuisinière, mais depuis leur naissance elle n’exerce plus aucune profession.   
Dila vit dans la tribu de Bakuna dont un de ses quatre frères est le chef. Pamela est issue d’une famille Kanak traditionnelle où générosité et courtoisie dominent leur vie quotidienne. Cependant, Pamela pense que la vie en tribu est beaucoup trop épuisante et difficile, car les femmes y ont un rôle primordial dans les tâches ménagères. Si quitter la vie en tribu était possible, elle accepterait sans aucune hésitation cette opportunité, car la vie en ville l’attire. Elle affirme que le vivre ensemble avec les calédoniens blancs est une bonne chose, car selon elle, c’est en restant soudés que la paix règnera. De plus, elle confirme que c’est à cause du non vivre ensemble que deux clans se forment en Nouvelle-Calédonie, d’un côté les indépendantistes et de l’autre les non indépendantistes.
Concernant le référendum, Pamela est à la page et suit l’actualité politique. Elle pense clairement que cet évènement marquera la Nouvelle-Calédonie. Rester Français serait le meilleur choix, car sans la France, la Nouvelle-Calédonie ne peut pas à elle seule gérer le pays.
Depuis la mort de Jean-Marie Tjibaou, Pamela a perdu espoir, car selon elle, aucune personne ne pourra lui succéder surtout pas le parti politique d’aujourd’hui. « Si Tjibaou était toujours en vie, je vous assure que l’indépendance pour la Nouvelle-Calédonie serait une évidence ».

Ecrit par Alan et Vinash

2 commentaires:

  1. Toujours aussi bien écrit ! Bravo
    pphilippe

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  2. Ces portraits donnent des perspectives sur le vivre ensemble, sur l'engagement dans des actions concrètes par des gens d'une grande pudeur et tellement généreux, les rencontrer pour qu'ils vous livre en toute sincérité leur vie et leurs sentiments a surement été un grand moment à vivre pour vous aussi. On saisit mieux la diversité en vous lisant. Ces pages de portraits sont loin de la propagande, tous ces gens ont chacun leur avis propre et non pas des stéréotypes. Une leçon d'ouverture.

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